31/10/2007

Parenthèse Française (2)




Levé prompt le samedi matin, j’ai beaucoup à faire, alors je m’active. Faire chauffer un peu la bagnole, revoir un moment mes voisins, nettoyer la bagnole, parler un peu à ma sœurette, faire un cd de musique pour le trajet, mais surtout surtout être beau. Et me faire beau avec la tête que j’ai, sur laquelle on peut lire explicitement « Au secours je suis fatigué depuis deux mois !! », ce n’est pas une mince affaire, le tout bouclé avant 12h30.
Direction Roissy, un largage de frangine, un récupérage d’amis, une bise à ma tante…
1h30 d’autoroute, de musique, de conversations plus tard nous sommes à Lille. Des bouches bé sous l’ampleur surfacique de l’appartement de notre ami Arthi et de ses compères. Un DoMac, une Fnac, un Marianaud.

De jeunes cinglés ridicules, habillés à la dernière mode de chez H&Moche, avec des chaussettes bariolées roses et noires, des crêtes de la même couleur sous les casquettes pailletées, débarquent en trombe sur une placette. Les hurlements de motivation couvrent le son de la mini chaîne hi fi (un téléphone portable je suppose). De la motivation il leur en faut car les voilà grimpés sur les murs, les bancs et les poubelles pour nous faire part d’une tentative de danse tectonique, relativement mal ébauchée, complètement désastreuse en fait, à leur place je ne me serais pas affiché avec autant de conviction, pour une représentation aussi ridicule. Mais au fond ne suis-je pas le personnage ridicule, moi qui du haut de mes 21 ans critique une bande de jeunes qui ne font que s’amuser…arfff je parle comme un vieux parfois.

21h30, on est encore plus beaux qu’on ne l’était. Les invités peuvent arriver. La soirée commence. Les gens s’entassent dans l’entrée gigantesque au milieu des 4 musiques distinctes et spécifiques aux 4 pièces de la « discothèque ». Je reconnais des visages, certains me reconnaissent encore mieux. L’alcool coule déjà à flot, les pizzas s’enfilent comme les petits pains, les chips, les bonbons autant. Après une séance photo peu commune, les danseurs prennent place. L’ultime troupe parisienne débarque avec sa bonne humeur pour ne pas dire ‘gaîté’. L’ambiance est au top. Notre Arthur national, personnage des plus sociables que cette Terre aie porté, qui vers son beau pantalon rayé orange et rose, son body vert anis, sa nouvelle laisse et vers lui-même sont tournées plus de 80 paires d’yeux, rend la séance cadeaux des plus festives.

Tout est parfait, il est donc l’heure de se faire une petite déprime. Et oui, comme je rends toujours les choses simples, je m’inquiète au meilleur moment, à celui que j’attends du moins depuis plus de trois semaines. Alors rien ne va. Pourquoi suis-je si peu sociable ce soir ? Pourquoi tant de conversations me gonflent, pourquoi tant de personnages m’effraient, pourquoi m’intéresser aux plus inaccessibles? Je danse sans grande conviction, je souris sans écouter, je dévisage, je passe d’une salle à l’autre. Je ne tiens pas en place. Heureusement, bien qu’il soit la star du soir, ses épaules sont quand même là, ses oreilles et sa patience aussi.

4 ou 5 heures du mat’ on ne sait plus, on est trois sur le matelas, 4 dans la chambre, c’est l’heure des meilleurs moments, des bilans, critiques, échanges de points de vue, rires de fin de soirée. Je me rends déjà compte alors à quel point la soirée fut bonne, à quel point je suis heureux d’être ici au moment présent, à quel point le lendemain et ses adieux vont être durs. Avant même de subir l’épreuve des au revoirs, le réveil et le levé sont les deux premières plaies dont je me serais passé. Une demi heure plus tard nous sommes partis, un café chaud et une brioche au chocolat dans le bide. L’accueil a été super chaleureux, les au revoirs passés presque à la trappe pour ne pas se chialer dessus quand même. Et puis on se reverra bientôt hein ? Ça rassure toujours d’y croire ! Troisième étape à subir 1h30 plus tard, les ultimes adieux à Roissy, après une retour éclair.

Mais voilà le problème : tout fut éclair ! C’est pour ça que je suis frustré, triste et insatisfait. Famille éclaire, sœurs éclaires, soirées éclaires, voisins éclairs, conversations éclaires, ressentis éclairs…et pourtant famille, soirées, voisins conversations, ressentis…que demander de plus ? De beaux souvenirs ? Ils sont déjà là…je n’attends plus que les photos.

Je ne m’étendrais pas sur le retour chaotique…Les grèves n’étant pas terminées, la galère fut de (re)mise dimanche et lundi. Vols annulés, matinée passée à l’aéroport au milieu d’un bordel encore jamais égalé par la compagnie. Mais une fois encore, elles portèrent leurs fruits puisque j’ai pu passer un peu plus de temps avec ma famille. Moi qui ne voulais pas trop retrouver Madrid tout de suite, finalement je me suis retrouvé bien content de pouvoir partir ; dimanche soir ? Non, lundi midi !

Aujourd’hui, en ce début de semaine, la surcharge de boulot ne gâche et ne cache pas ma mélancolie…

27/10/2007

Parenthèse Française (1)

Évidemment, il a fallu que le personnel navigant commercial d'Air France choisisse ce week-end pour faire grève. Et quelle grève! En fait, bien que je n'ai été prévenu que la veille, l'inquiétude m'a gagnée assez vite. Et pour cause, deux vols annulés sur le retour Madrid et les autres retardés en ce jeudi 25 octobre. Les PNC sont en effectifs réduits, donc on limite l'accès à bord à 100 passagers par avion. Les prioritaires sont ceux des vols annulés, bilan : aucune chance de m'envoler pour la France aujourd'hui.

Et pourtant je l'attendais ce petit retour, cette parenthèse franchouillarde, non pas que j'ai un quelconque mal du pays, loin de moi cette sensation, mais beaucoup de retrouvailles et de délicieux moments en perspective, et puis les vêtements chauds à rapatrier aussi pour l'hiver venant!

Je suis pourtant à l'aéroport depuis un moment, avec Sandra nous partageons nos points de vue sur la vie, nous échangeons sur nos amis communs, nous relatons nos souvenirs déjà nombreux.Nous patientons depuis 15h30. Au cas où un quelconque vol puisse me faire rentrer au plus tôt, mais le vol de 17h30 est annulé. Ça sent le roussi pour mon vol de 18h25. Non ça sent le cramé! Je me présente pour mon vol, on me demande de patienter évidemment...2 heures de plus. Je me représente à l'heure dite, mais c'est impossible de partir...sur le suivant peut-être.

Et c'est là que je me dis que j'ai le cul bordé de nouilles, ou qu'il est inutile de chercher à me caser, parce que chanceux comme je suis je serai sûrement cocu pour les dix années qui viennent; je reprend donc, repartant découragé du comptoir (une fois encore, je commence a maudire les guichets de la compagnie) pour vaquer deux heures à nouveau, j'entends un homme crier dans la foule: "Monsieur Murzeau s'il vous plaît ??!!"
Ai-je bien entendu? je me précipite, il me fais un signe de la main digne d'un "attendez vous enflammez pas, c'est pas encore sur"..."vous avez un oncle à bord c'est ça?"
moi - "oui oui c'est bien ça!" (je sais très bien mentir quand il faut).
J'ai la carte d'embarquement, je fonce, je grille tout le monde aux filtres, j'arrive à point pour la fin de l'embarquement.
Merci Papa d'avoir envoyé un sms au commandant de bord, tu m'a sauvé!

Mais alors que je sautille de joie dans la passerelle d'accès à bord, j'aperçois Eric, mon parrain qui accueille les derniers passagers dans l'avion. A peine entré il me dit, "t'as de la chance, on a remué ciel et terre pour que tu puisses partir, nous sommes 101 à bord, il y a donc un passager de trop, c'est illégal..."
Vol de rêve, agréable, retrouvailles avec mon parrain pas vu depuis tant de temps...Il m'explique par quel fabuleux hasard il est entré dans le cockpit au moment même ou le cap'tain lisait le message de mon père à voix haute...La vie est bien faite tout de même.

Atterrissage au post, avec un magnifique spectacle pour clore:
Durant la descente finale sur Paris, nous survolons la masse nuageuse opaque, épaisse et infinie qui couvre la France. Il fait nuit, et des halos lumineux ponctuent de orange et de rosé l'immensité du ciel. Les villes et leur pollution lumineuse nous offrent un spectacle magique calqué sur la surface cotonneuse du ciel...

Nous traversons les nuages...

Je retrouve Bérénice qui m'attend de pied ferme, elle me manquait tant, puis maman, tout autant, puis les desperates housewives. Le lendemain je retrouve Eloïse et sa chambre vivement colorée, pleine d'entrain et de réussite, de passion de curiosité et de découverte...mon ex-chambre à Paris. Puis Papa le lendemain, Nathalie, Valérie, Olivier, Cécilia et Fred les surprises du week-end...

Nous sommes déjà samedi matin, dans quelques heures, d'autres surprises...

J'ai le cul bordé de nouilles je vous dis...

23/10/2007

Botellon

Wikipedia, la enciclopedia libre dice:

Botellón es un término que describe la costumbre extendida en España desde finales del siglo XX, sobre todo entre los jóvenes, de consumir bebidas alcohólicas, refrescos, snacks, tabaco e incluso, en algunos casos drogas ilegales, tanto duras como blandas, en grupos relativamente numerosos y en la vía pública.

Wikipedia, l’encyclopédie libre nous dit:

Botellón est un terme qui décrit une pratique barbare propre à l’Espagne, qui n’a donc pas sa traduction en français, qui se révèle être une réunion de jeunes relativement nombreux, dans un parc ou sur la voie publique et où Alcool et Rires sont les maîtres mots juste devant Rencontres, Discussions, Drogas-ilegales-tanto-duras-como-blandas et Soirée-de-fou-qu’on-est-pas-prèt-d’oublier...






Septembre

Parce que ce mois a été comme je n’en ai jamais vécu auparavant,
Je me dois de mener avec le recul une forme de bilan :


1 changement d’appartement
1 déception sentimentale
1 corrida

2 colocs’ adorables
2 premiers photoshops
2 heures de sommeil en une nuit au minimum

3 nouvelles musiques favorites
3 ‘botellones’
3 visites de parisiens à Madrid

4 états de murge avancés
4 fins de soirées difficiles à avaler
4 euros pour être ivre mort au ‘Venician’

5 bars différents en une soirée
5 nuits de stress

6 filles différentes au ‘Madrid MadriZ’
6 x 3 heures de boulot pour la réalisation de la lampe

7 euros 80 l’entrée-plat-dessert au resto de la calle Hortaleza.
7 soirées par semaine au maximum

8 après-midi au parc del Buen Retiro

9 euros chez ‘Dia’ pour 10 jours de bouffe

10 minutes à pied pour rejoindre Sol depuis chez moi

12 m carrés de superficie pour mon ancienne chambre

20 m carrés de superficie pour ma nouvelle chambre

26 soirées en 30 jours

35, calle Augusto Figueroa 3D, 28004 Madrid

40 Erasmus dans la rue à Malasaña

100 nouvelles rencontres au moins en l’espace d’un mois avec ou sans suite

4500 étudiants à l’école d’architecture de Madrid

17/10/2007

Phénomène

Alors que le soleil se couche…



Enfin le voilà le premier petit coup de blues. Il m’aura fallu une soirée pourrie la veille, un coup de fatigue disproportionné, des amis qui partent pour le week-end, une ambiance de groupe qui tombe comme un soufflet donc inexistante, une semaine passée sur une maquette ratée au final et un temps médiocre pour venir à bout de ma bonne humeur et de ma joie de vivre.

Pourtant aucune envie de rester seul à me morfondre dans ma chambre ce soir.
Je rejoins donc un petit groupe d’étrangers que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam sur la puerta de Sol. Inès me présente. On part pour un verre, ambiance calme mais enjouée, des découvertes, de la curiosité, des grandes discussions.

Si je saute quelques étapes, un schisme flagrant opère quant à l’ambiance de la soirée. Mais je me dois de préciser quelques points :
Nous nous sommes retrouvés, notre petit groupe et celui de Sandra déjà nettement plus gros et bien plus imbibé. Ils sont ensemble pour fêter l’anniversaire d’une des colocs’. Résultat, les amis des amis des amis sont là…nous sommes dorénavant une bonne vingtaine.

Je procède au schisme. Le style de la soirée vire totalement. D’une petite réunion de pseudos déprimés, nous devenons un ban de piranhas assoiffés d’alcool. Les bars et les clubs, les visages et les verres défilent. Après quelques jeux sensoriels mis en place (pour mon plus grand plaisir) afin de débrider la moins assoiffée de nous, l’heure a déjà bien tournée, et les requins de nuit s’éparpillent déjà dans les quatre coins de la ville.

Nous sommes trois, nous nous connaissons (et c’est un bien grand mot) depuis deux heures tout au plus. Mais nul n’est prêt à céder au sommeil. Nous nous embarquons pour une ultime virée à Chueca.
Un des rares bars encore ouvert nous accueille, Julie, François et moi. Pour une dernière heure, pour se réchauffer, pour attendre les premiers métros, pour donner encore plus de non-sens et de jouissance à cette rencontre spontanée, nous trois qui ne soupçonnions même pas l’existence de l’autre un jour plus tôt, nous nous démenons et déhanchons dans les sous-sols de la boîte la plus glauque de la ville.

Nous ressortons sereins, vidés, heureux je pense…
Une dernière promenade pour faire un peu mieux connaissance, et nous donner l’envie de nous revoir demain et le jour suivant…ce sera fait. Je me couche à 6h30, le petit coup de blues laisse place à un grand bleu pour une nuit et pour le restant du week-end.
Valence, j’ai hâte,
De vous revoir, je tarde…

…Le jour se lève.

Casa







12/10/2007

Semaine de C...

Si j’ai mis un temps fou à pondre ce post qui ne vaut pourtant pas mieux qu’un autre, c’est sûrement qu’il fait ressurgir en moi le souvenir d’une épreuve que je me passerai volontiers de revivre même en lecture…
Pourtant je dois immortaliser ça et ce renforcera d’autant plus mon côté rancunier déjà surdimensionné…
Le plus important ici pour moi est d’essayer de traduire avec des mots les sentiments éprouvés avec le plus de sincérité possible…Les choses se sont défilées, enchaînées, coupées, introduites et vécues à cent pour cent. Un réel ascenseur émotionnel !!


Il y a déjà deux semaines




J’ai d’abord rencontré le C de Chute,

Je suis rentré du parc ou j’ai pris le calme et l’air avec mes amis…Honnêtement je ne le dis pas souvent (beaucoup en témoigneront) mais là tout est beau, la vie est belle, la vie me sourit, je jouis de la vie…La veille fut baptisée par une succession de choses plutôt réussies, la soirée s’annonce plaisante…Alors si tout vas bien, je n’en vais que mieux, parce que je ne vais bien, que quand les circonstances me portent, que quand je décide que tout va bien…J’ai une quasi-totale maîtrise de la vie…
Alors que la musique se répercute fortement sur les murs de ma chambre, on frappe à sa porte…J’ouvre à Pablo mon cher coloc’.
« Hola que tal ?? Gna gna gna… Debo decirte, mi primo llegua en una pequena semana… (Voilà, il faut que je te dise, mon cousin débarque à l’apart dans une semaine…) »
« Que guay !! (Super, et bien écoute qu’est ce que ça peut me foutre …)
« No pero, no entiendes ! (Tu piges rien connard), debes buscar un otro piso porque va a vivir en tu habitacion ! (Maintenant tu prends tes clicks et tes claques, tu jartes dans un autre apart’ au plus vite parce qu’il va vivre dans ta chambre !)
Bon ok j’en rajoute un peu, mais globalement c’était poli puisque mon espagnol ne me permettait pas de faire autrement à l’époque mais les intentions et les ressentis valaient la traduction française.
Alors je tombe des nues et je tombe sur mon lit, de tout mon désespoir. Je ne pense pas abuser en employant ces mots. Me disant ça, avant même que je gueule, que je râle, que je proteste, je me plaints déjà. Tout, mais tout sauf retomber dans cette Merde de recherche d’apart, d’heures passées sur Internet, de parcours dans la ville pour des chambres pourries…tout sauf ça…Et bin si !
Après j’ai gueulé, râlé, protesté…


Alors vient le C de Cauchemar,

Je pense en avoir rajouté un peu trop quand il m’a annoncé la nouvelle. Je pense que c’est parce que c’était la dernière chose à laquelle je m’attendais. Les surprises ont toujours tendances à me scier à la base. Je sors prendre l’air. Je marche vite, les gens me bousculent sur les trottoirs trop étroits…Je ne me calme pas du tout, au contraire ma mauvaise humeur ne fait qu’amplifier…Aucun moyen de relativiser, je n’ai encore aucun recul, c’est la merde, c’est la merde…
De retour à l’apart j’entends un « Hola, que tal ?» qui me donne des envies de meurtres !
Je me réfugie dans ma tanière…sans oublier de dire au tordu que Jésus m’avait confirmé que j’étais ici pour un an, mais…aucun moyen de le justifier. Bordel, la vie est injuste. Je dois sûrement payer pour quelque chose de mal que j’ai du faire auparavant, parce que je ne vois pas d’autres raisons… pourquoi quand je nage en plein bonheur, on doit me ruiner le plaisir, ma gâcher la vie, me plomber l’humeur…
Assis sur mon lit, je craque enfin…J’explose de rire. Un rire nerveux qui vient de loin, qui ne laisse pas de place à une larmichette, une banane qui te vide de toute énergie qui t’aurait permise de te lancer dans quelque activité que ce soit. Je reste donc là comme un pseudo déchet gigotant et hoquetant…
Quelle merde, alors que je commence à avoir du boulot, et je dois me bouffer tous les sites immobiliers du Web espagnol. Cette nouvelle situation est un vrai cauchemar.
Je pars pour Sol, rejoindre mes amis pour la soirée prévue. Je me console sur des churros au chocolat. Puis nous nous retrouvons une bonne douzaine sur les coussins d’un bar en sous sol. L’ambiance est bonne. J’oublie déjà un peu…


Le C de Courage

A première vue c’est le découragement qui m’envahit. Ce mercredi matin, aucune envie d’aller en cours à 8 heures du mat’ pour une séance pourrie avec un prof inintéressant. Je me retourne dans mon lit la nuit fut courte…6 heures tout au plus.
A deuxième vue, le courage me gagne. Honnêtement mon gars, ta chambre elle est cool, le quartier déchire, mais tes colocs, c’est plus possible, ces cheveux immondes dans la baignoire, ces taches d’huile dans la cuisine, ce sol qui colle, ces trois centimètres de poussière uniformément répartis sur tous les meubles du salon, cette odeur de tabac froid qui s’imprègne partout…mais surtout ces connards de colocs !!
Alors on se motive, Internet, les annonces, les coups de fils, les rendez-vous pour les visites…c’est pas si horrible que ça.
Cet aprèm, aucune envie d’aller en cours à 15 heures pour une autre séance pourrie avec un prof presque inintéressant. Je reste planté devant le PC…je traque.
J’ai traqué ainsi pendant une journée. Les jours suivants j’ai traqué aussi, mais le courage avait disparu tout comme la chance. Les offres sont rares, les demandes nombreuses. Les prix sont exorbitants, les quartiers reculés, les chambres invivables…quelle situation ! Finalement je reviens sur mes paroles, mon apart’ c’est une perle.
Je suis posté devant l’ordi attendant, les nouvelles annonces apparaissent à tout instant, il faut alors être le premier. Toutes ces foutues annonces sont dédiées aux filles qui travaillent et parlent espagnol.
Je repère une annonce assez intéressante mais vu la date à laquelle elle a été déposée, la chambre doit être occupée depuis des siècles. A tout hasard j’envoie un mail…

C comme Courroux…

Le jeudi et le vendredi sont ponctués entre les cours de quelques visitent qui me mettent le moral à dix pieds sous terre. Tout est moche, petit, sombre, chère. Je suis le 50ème visiteur à chaque fois, mes chances de gagner les castings sont plus que minces…Je me lamente devant mon bureau, je me lamente dans le métro, je me lamente en cours, je me lamente parce qu’on me reproche de me lamenter. Et puis la famille prend des nouvelles.. « Tout va bien ? » « Ouai ouai super…hin hin hin ! » Oui il est hors de question que je stress mes parents avec cette histoire, il est hors de question qu’ils me stressent encore plus…Mais bon c’est dur. Je n’ai plus goût aux soirées. Ma dernière nuit fut de trois heures de sommeil. Il serait temps que la situation évolue parce que la semaine devient longue !
Je reçois un mail (parmi tant d’autres inexploitables). Le gars de l’apart intéressant me propose de venir le visiter dans la soirée ou le lendemain…Youpi, vu l’annonce je ne suis pas près d’être sélectionné. 500 personnes on répondu à l’annonce à ce moment même et c’est aux colocs d’en choisir UN !
Je me lasse…Allez, on ne laisse pas place à la déprime, on rejoint tous les autres chez Julie, ils ont entamé une soirée où je m’étais privé d’aller. A mon arrivée, Nena résonne pour moi, le bol de punch m’attend…les amis sont là ! Je parle, je tiens le crachoir, je dois me vider, m’énerver…Le thème de la soirée, trouver comment faire payer à cet en***er de Jésus…La vengeance sera terrible !


Je prends alors le C de Couillu !

Le lendemain je me repenche de plus près sur l’annonce intéressante, il y a des photos…A plaza Chueca, un immeuble rouge, une photo prise du balcon troisième ou quatrième étage…Il est temps de prendre les choses en main. Je traverse le salon en trombe je répond au "Hola" de mes colocs par un silence qui vaut bien un bon « Fuck you », je galope jusqu’à Chueca. Je repère l’entrée de l’immeuble en question je sonne au 4ème gauche… « C’est pour la chambre à louer…c’est ici ? » « Non troisième droite »
Je sonne au 3D, un vieux me répond et m’invite à monter…Je visite le palais…Une entrée immense, un salon en angle de rue, deux salles d’eau, une cuisine propre et pratique, une chambre gigantesque lumineuse, avec fenêtre et balcon sur la place… C’est ici que je veux vivre !!
« Voilà ici vivent trois jeunes gars, gays et moi dans la petite chambre… »
« Ok ça me va nickel, je prend tout de suite (vu le loyer), c’est possible ? »
« Oui, je vous rempli le papier comme quoi vous me donnez la caution… »
Pendant ce temps là je vais retirer les sous…Ça y est je revis, je sautille dans la rue, pourquoi j’ai désespéré, ça ne valait pas le coup…je vais être trop bien ici ! Je m’enflamme, je vis encore dans la disproportion, dans l’excès de sentiments…De retour à l’apart, un jeune m’ouvre la porte…le vieux l’a appelé entre temps…Il se présente, il est cool…moi aussi, il me refait faire un tour d’apart puis me dit « par contre je suis désolé mais on va pas pouvoir te louer la chambre comme ça, mais comme pour beaucoup d’apart on va faire une sélection… Désolé… »
Mes jambes fléchissent sous le poids de la boule qui grossi dans ma gorge…comment t’as pu être aussi con pour y croire…on cède pas une chambre comme celle là au premier venu.
« Moi aussi je suis désolé » je dis,
« Mais vient on va discuter… »
Allez mon gars c’est ta chance. Ouvert, souriant, rigolo, gay, sérieux, compréhensif, tolérant, à l’écoute…
Le but ? qu’il me connaisse le mieux possible, que je frôle la perfection, et qu’il se souvienne de moi.
Je repars une heure et demi de discussion plus tard. J’ai fait le max.
Ce soir c’est l’anniv’ de Charlie, j’ai envie d’y aller comme de me pendre mais bon…au moins ça me distraira. Et puis je n’ai plus aucune envie de chercher quoique ce soit…Je ne veux rien d’autre que cette chambre…


Le C Contradictoire,

Car si la semaine est celle que j’ai la moins bien vécue ici, et de loin, les soirées elles furent exquises. Je pense que je les ai vécues comme des bombonnes d’air pur qui m’étaient alors indispensables pour tenir le coup. Il y a eu l’anniversaire de Charlie, suivi d’une soirée à plus de 40 Erasmus de toutes origines et quasiment tous en archi, qui dédallaient dans les rues de Malasaña, de bar en bar, de boîte en boîte. Le troupeau est dur à trimballer, et les groupes ont tendances à se diviser, mais réellement ce soir j’ai eu l’impression de faire parti de cette grande famille de jeunes qui vivent une année à fond loin de chez eux… L’ambiance est du tonnerre, la soirée exquise jusqu’à ce que deux d’entre eux découvrent qu’ils s’apprécient beaucoup, et le montrent ostensiblement au monde…Le miens ne fait alors que continuer de chuter. Je me couche après cette nuit d’enfer, complètement déprimé. Il est six heures, mes jambes sont engourdies et mes pieds gonflés, j’adore cette sensation…Je n’ai plus qu’à m’affaler comme une merde sur mon matelas et me laisser aller…Mais cette fois, le sommeil ne vient qu’une heure après, et à 9 heures, je suis debout, éveillé comme jamais par un stress assaillant.
La seconde soirée, celle du samedi ne fut pas moins réussie…Le moral global des français étant relativement mauvais nous décidâmes de nous murger sauvagement. L’apart des allemands Simon et Filip, fut notre demeure et la foultitude d’invités notre contexte immédiat. Le mauvais vin m’achève gentiment alors que les autres français ne sont en guère meilleur état. Nous avons tenu notre pari. Tout est excellent, et pour une fois aucun point négatif ne vient clore la nuit.

Le C de Chance,

Samedi dans la journée je me suis rendu à l’apart super top. J’y ai rencontré Eduardo le « sélectionneur » pour une visite « légale ». Là encore j’ai mis le paquet…Je m’étais attelé en parallèle à m’investir dans un échange réguliers de mail avec lui, afin de créer une sorte d’affinité artificielle. D’enthousiaste, j’étais passé à déprimé, puis curieux…Les différents états à travers lesquels je surgissais dans ces mails, me permirent de tisser une relation plus intime, donc plus favorable à une quelconque réussite. La rencontre du samedi fut à mes yeux plutôt négative…Il avait une idée de moi d’un mec triste et déprimé (j’en avais un peu joué). J’ai pourtant essayé de rétablir le tir pendant la demi-heure de conversation. Je m’en vais et à la vue de la tête du candidat suivant une bouffée d’espoir m’envahit. La vie n’est faite que pour les requins !!
Dimanche matin je me réveille tard, parce que zen. Normalement je dois apprendre à 18h00 si j’ai l’apart ou pas. Je me lève. Je tape dans l’air comme si j’étais un boxeur professionnel en phase d’échauffement, ou comme si j’avais la tête de Jésus en face de moi. A 15h00 nous allons prendre une glace avec Julie, elle pour se réveiller de sa cuite, moi pour penser à autre chose. Je regarde mon portable régulièrement. Horreur 16h35 un appel manqué. J’appelle, j’entend :
« Hola Carlito, puedes venir a casa ? »
« Si, estoy aqui en 5 minutos »
4min59 plus tard, je sonne, on m’ouvre…
« Welcome at home …»
Pour la troisième fois en une semaine, pour la deuxième fois dans cet apart, mes jambes se dérobent. Les larmes montent. « Welcome at home »…les paroles résonnent encore dans ma tête aujourd’hui…
Le sentiment fut fort. Ce sentiment de libération, de joie, de fatigue, de fierté…Tout se bouscule, car s’il y a une chose qui était déplaisante dans cette expérience, celle la non maîtrise de la vie. Contrairement à la majorité du temps, je ne tenais plus les rennes, je n’étais pas maître de mon avenir proche, je ne décidais plus…on décidait pour moi et rien n’a été pire que ce sentiment d’infériorité et de dépendance. Alors oui, j’ai été fier de moi, fière d’avoir été choisi parmi plus de 100 prétendants à la chambre, fier d’avoir bouclé cette merde en moins d’une semaine pour avoir LA chose que je voulais. Fier d’avoir surpassé tous ces petits parasites qui m’ont affaiblis pendant 6 jours. Car si le sommeil n’était plus là, l’appétit non plus et les réjouissances se raréfiaient aussi.
J’ai donc piqué un sprint un vrai dans cette ville qui était belle à nouveau, et que je voyais déjà différemment. Je me suis rendu chez Julie pour proclamer la bonne nouvelle…


La suite de l’histoire est belle. C’est celle de ma première semaine ici dans cet apart de rêve avec des gens géniaux…C’est celle de nouvelles soirées réussies, de visites, d’amis, de restos, des rencontres…C’est celle qui prend en compte l’importance du ressenti, des expériences vécues au moment présent…C’est celle qui ne se laissera plus submerger par l’incontrôlable, mais au contraire qui prend la vie à bras le corps et agit, tout de suite tant qu’on en a la possibilité. J’ai vécu quelque chose d’enrichissant. J’ai grandi beaucoup en très peu de temps. J’ai eu la chance d’être dans la seule place madrilène qui vaut mieux et beaucoup mieux que mon ancien apart que j’ai quitté alors avec joie. Pour certains c’était sur, j’allais trouver mieux…Mais je ne suis pas fataliste, et je pense que si les choses sont ainsi, ce n’est pas parce que ça ne pouvait pas être autrement, c’est parce qu’au fond j’ai décidé qu’il en soit ainsi…