08/09/2007

Amour

Alors que le milieu d’après-midi se noie dans une forte chaleur, les madrilènes se noient dans leur torpeur. Et j’agis de même. Pour cette fois la seconde partie de la journée n’est pas partagée avec mes deux compères. Je me recroqueville dans ma carapace, dans une solitude bien méritée, dont méditation et repos sont les fers de lance. Ma chambre est ma caverne, ma tanière, et mon intimité qui était jusqu’alors réduite à survivre dans une salle d’eau sale, se refait enfin une nouvelle beauté. Je m’allonge et je lis.
La prose de l’élégance du hérisson me captive. Et parmi toutes ses formules, toutes ses imageries et ses réflexions qu’elle offre, je décide d’en faire ressurgir le passage qui m’a conduit pour quelques minutes sur une pensée personnelle qui me tient à cœur de vous faire partager. Ce passage n’est pas mieux écrit, pas plus intéressant que le reste du roman, mais il m’a sincèrement touché, tant j’éprouve de pareilles sensations que celles qui sont évoquée dans ce qui suit :


Mais en revanche, je n’ai d’abord pas bien compris pourquoi, j’ai été sensible aux bouleaux. Kakuro parlait de la campagne russe avec tous ces bouleaux flexibles et bruissants et je me suis sentie légère, légère…
Après en réfléchissant un peu, j’ai partiellement compris cette joie soudaine quand Kakuro parlait des bouleaux russes. Ça me fait le même effet quand on parle des arbres, de n’importe quel arbre : le tilleul dans la cour de la ferme, le chêne derrière la vieille grange, les grands ormes maintenant disparus, les pins courbés par le vent le long des côtes venteuses, etc. Il y a tant d’humanité dans cette capacité à aimer les arbres, tant de nostalgie de nos premiers émerveillements, tant de force à se sentir si insignifiant au sein de la nature…oui, c’est ça : l’évocation des arbres, de leur majesté indifférente et de l’amour que nous leur portons nous apprend à la fois combien nous sommes dérisoires, vilains parasites grouillant à la surface de la terre, et nous rend en même temps digne de vivre, parce que nous sommes capables de reconnaître une beauté qui ne nous doit rien.
Kakuro parlait des bouleaux et, en oubliant les psychanalystes et tous ces gens intelligents qui ne savent que faire de leur intelligence, je me sentais soudain plus grande d’être capable d’en saisir la très grande beauté.



Alors déjà je prends conscience que mon approche de la vie change. Il m’était arrivé plus d’une fois de me poser les questions concernant les conditions de l’Homme. Qui sommes nous pour intervenir et agir de telle manière sur la planète ? Qui sommes nous pour être réduits à ressasser nos petits problèmes si insignifiants aux yeux de la grande Relativité des choses. Je ne pense pas révolutionner les questionnements fondamentaux des êtres humains, d’autres l’ont fait, moi-même je me suis déjà perdu dans ce genre de réflexion. Je suis juste arrivé à atteindre une étape, un pallier qui me pousse à aller à l’essentiel. Une vie, pour peu que nous nous en rendions compte, est une succession d’événements qui nous mènent à la mort. Plutôt que de rester sur cette analyse négative, que toute personne qui réfléchi trop est menée à penser, et plutôt que d’enrober notre vie d’un ensemble de banalités et de superficialités éphémères, pour nous voiler la face, il faut vivre l’Amour. Je m’en aperçois seulement maintenant, mais seul l’Amour est une excellente raison de vivre. Partager avec un autre, quelque chose qui nous lie, nous uni pour un moment. Laissons alors de côté les amourettes frustrées, les sentiments à sens uniques, les passés chaotiques, les quêtes non récompensées. Nous allons vivre l’Amour, et je dis « nous », car nous serons deux, et ce sentiment puissant nous laissera grandi, accompli et soudé à vie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Nature ou espèce: L'espèce est une force obscure qui programmela sexualité et la mort.Elle n'agit que dans son propre intérêt qui est de perdurer en améliorant ses performances.Son intérêt global ignore les intérêts de l'individu...L'espèce livrée à elle même,sans la critique,ni la critique de la critique,est totalitaire.Sans notre résistance intellectuelle, notre sort ressemblerait à celui des gnous....L'Amour échappe parfois aux intérêts de l'espèce!!!
L'étincelle dans la grisaille quotidienne,l'ouverture joyeuse au monde, le bonheur mêlé d'inquiétude....un phénomène comparable aux mouvements collectifs révolutionnaires....

(crocus aidée de Val et Alberoni pour les curieux)